La vision 2020 se veut plus un projet territorial qu’une simple stratégie pour un secteur clé dans l’économie marocaine. «Elle a pour ambition de faire du Maroc d’ici 2020 l’une des 20 plus grandes destinations mondiales, réputée par son tourisme authentique, propre, responsable et surtout de qualité», a affirmé le ministre. Le tout, sans avoir à dénaturer le patrimoine naturel et culturel du pays. Cette stratégie repose sur 3 principaux axes : la mise en place d’une politique d’aménagement territorial de l’offre touristique, qui permettra de profiter à toutes les régions, l’instauration d’une nouvelle structure de gouvernance, capable d’apporter la dynamique nécessaire au développement territorial touristique et l’ancrage d’un développement durable à travers lequel le tourisme marocain va se démarquer.
Un plan de développement par région
Elaborée en concertation avec les acteurs locaux, régionaux et le secteur privé à travers la CGEM, cette nouvelle stratégie a permis de définir un plan de développement propre à chaque région, prenant en compte les atouts et spécificités de chacune tout en restant en cohérence avec les choix stratégiques au niveau national. Ainsi, des contrats-programmes régionaux seront signés d’ici juin 2011. «La Vision 2020 va jouer un rôle important dans le processus de régionalisation avancée dans lequel s’est engagé le Maroc», selon Yassir Znagui. La Vision prend ainsi appui sur huit territoires présentant la cohérence touristique, l’attractivité et la masse critique nécessaires (en termes de capacités d’hébergement, d’actifs touristiques et de desserte aérienne) pour un positionnement international. Ainsi, outre les destinations classiques (Marrakech et Agadir) qui accaparent plus de 70% des nuitées, six nouvelles destinations touristiques vont émerger. En effet, le royaume sera constitué de 8 régions touristiques, chacune avec ses spécificités et sa propre identité (voir encadré).
Développement durable
Enfin, deux autres territoires s’imposent comme les vitrines du Maroc en matière de développement durable en mettant en valeur les sites naturels les plus exceptionnels du pays. Il s’agit de «Grand Sud Atlantique», centré autour du site exceptionnel de Dakhla, qui se basera sur une offre exclusive combinant nature préservée et niches sportives, et de «Atlas et Vallées», regroupant Ouarzazate, les vallées et les oasis, ainsi que le Haut Atlas. Il se positionnera comme la destination phare de l’écotourisme et du développement durable méditerranéen. La vision compte mettre fin au déséquilibre existant en matière de croissance entre les différentes destinations afin de permettre à toutes les régions de bénéficier de l’essor du secteur. Ainsi, chaque territoire sera doté de ses propres objectifs, sa feuille de route et des outils et moyens permettant de la mettre en place.
De nouvelles instances de gouvernance
Afin d’assurer une certaine traçabilité, Y. Znagui a prévu la création de nouvelles instances qui prendront en charge le suivi et l’application rigoureuse des contrats-programmes. En effet, deux instances seront mises en place à cet effet. La première, «l’instance nationale de pilotage public-privé-régions», aura pour mission de piloter, suivre et évaluer la stratégie et d’en assurer la coordination et les arbitrages. La deuxième sera formée d’Agences du Développement Touristique (ADT) qui seront présents dans chaque territoire touristique, dans lesquels les Conseils Régionaux du Tourisme (CRT) et les Conseils Provinciaux du Tourisme (CPT) seront institutionnalisés comme parties prenantes de la gouvernance. Ces ADT auront pour mission de développer l’attractivité et la compétitivité touristiques des territoires et d’assurer une orientation des professionnels locaux et des investisseurs.
Les objectifs en chiffres
Pour Yassir Znagui, ministre du Tourisme, l’objectif de sa Vision est clair. Il s’agit de doubler la taille du secteur. D’ici 2020, le Maroc devra multiplier le nombre des arrivées pour atteindre 20 millions de touristes. Et ce, en doublant la part de marché sur les principaux marchés mondiaux et attirer pas moins d’1 million de touristes issus des marchés émergents cibles. Attirer les touristes n’est pas la mission la plus rude, puisque le travail doit surtout se faire au niveau de l’infrastructure et de l’animation. Ainsi, la stratégie prévoit la construction de quelques 200.000 nouveaux lits hôteliers et assimilés. La vision ambitionne de donner une attention particulière au voyage interne. Y. Znagui souhaite tripler le nombre de voyages domestiques et d’encourager les marocains à se tourner davantage vers les établissements classés. En effet, les besoins en hébergement des touristes nationaux ne sont couverts qu’à hauteur de 10% par les structures classées, alors que près de la moitié de la population marocaine voyage. La réalisation de ces objectifs consacrera la place du tourisme comme deuxième secteur économique du pays. Plus de 470.000 emplois directs seront créés sur la période 2011-2020 pour employer au terme de la décennie près d’un million de Marocains. De même, les recettes touristiques seront plus que doublées pour atteindre 140 milliards de dirhams (Mds) en 2020 soit une somme cumulée sur la décennie proche du billion de dirhams, ce qui constitue plus du double des recettes cumulées de la décennie précédente. Quant au le PIB touristique, il sera accru de 2 points, pour atteindre près de 150 Mds de dirhams contre environ 60 aujourd’hui.
Les leçons de la vision 2010
Le Maroc dispose d’atouts nécessaires pour se hisser au niveau d’une destination de rang mondial, mais ces atouts restent sous-exploités voire inexploités. Ainsi, sur les 1.500 ressources touristiques identifiées, seules 350 sont partiellement valorisées. De même, malgré une grande diversité géographique et culturelle, l’offre touristique marocaine s’est concentrée sur deux destinations seulement (Marrakech et Agadir) et a négligé le reste. Autre bémol, lors de la vision précédente, les investissements touristiques se sont concentrés sur les capacités hôtelières au détriment de l’offre d’animations et de loisirs. Conscients de ces lacunes qui ne permettent pas de fidéliser la clientèle aussi bien marocaine qu’étrangère, Y. Znagui propose aujourd’hui de nouveaux plans. Six programmes ont été définis autour du culturel, du balnéaire et du naturel, avec le développement durable comme toile de fond. Pour accroître l’attractivité des destinations, Yassir Znagui compte reconduire le plan Azur. Même si ce dernier a connu de nombreux problèmes lors de la stratégie précédente, pour le ministre, «ce plan visera à construire une véritable offre balnéaire Maroc compétitive au niveau international». Un programme intitulé «Green/ Eco/ Développement Durable» sera mis en place afin de préserver les ressources naturelles et rurales et veiller au respect de l'authenticité socioculturelle des communautés d'accueil. «Programme patrimoine et héritage» sera destiné à sauvegarder l’identité culturelle du Maroc à travers la structuration et la construction des produits touristiques cohérents et attractifs. L’animation et les loisirs ne seront pas en reste. Le programme «Animation, sport et loisirs» sera dédié exclusivement à la création d’une animation riche, de qualité et étalée sur toute l’année. Le tourisme d’affaires aura également son plan de développement. En effet, le programme «Niches» ou «Affaires et bien-être» aura pour mission de faire émerger le Maroc comme nouvelle destination internationale du tourisme d’affaires. Le plan compte créer les infrastructures nécessaires pour accueillir de grands événements internationaux. Le programme «Biladi», destiné aux touristes nationaux, sera reconduit, mais dans une nouvelle version, adaptée aux habitudes des Marocains en matière de voyage et de vacances.
Pour que les ressources humaines suivent
C’est un constat : le secteur du tourisme au Maroc souffre d’une pénurie en compétences et de main-d’oeuvre qualifiée. Plus les projets touristiques prolifèrent, plus les besoins en res sources humaines grandissent. Cela n’a pas échappé à Yassir Znagui, qui pense venir à bout de ce problème d’ici 2020. Sa vision prévoit la création d’une nouvelle génération d’écoles de référence en hôtellerie et tourisme, répondant aux besoins du marché et respectant les standards internationaux en la matière. Une Ecole de management touristique et hôtelier de niveau international sera créée afin d’accompagner les besoins en middle et top management du secteur, elle est le fruit d’un protocole d’entente signé avec l’Ecole de Lausanne. Dans chacune des huit régions touristiques, une à deux écoles de référence dans la formation de techniciens et techniciens spécialisés en hôtellerie, restauration et tourisme, seront mises en place.